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ECCE HOMO

Récits
État : En cours d'écriture
Année : 2023
© Donatien Leroy

INTRODUCTION

Je ne suis pas certain d’avoir été un jour un chercheur de vérité, et si j’avais dû conduire une ruée vers l’or, ma quête aurait été tournée, non vers la vérité, mais vers l’imaginaire. Si tant est qu’on puisse sérieusement les opposer. Ne soyons pas trop sérieux dans cette affaire.

Je n’ai jamais eu de penchant pour les sciences, même occultes, préférant croire, au gré de mes balades, que tel arbre me regardait passer, que l’apparition de tel animal était un signe. Un signe poétique. N’avais-je pas vu les biches courir dans la brume, au petit matin de l’enterrement de mon père ?

La science aura toujours raison, et même quand elle a tort, elle sait rebondir sur ses pattes... Je préfère croire que la poétique l’emportera sur elle. La science m’a toujours paru lourde de sentences, tristement réaliste ou réellement triste, ne laissant que trop peu de place aux hésitations, aux tremblements, aux doutes, aux échappées belles. Parce que les savoirs scientifiques nous tombent dessus sans que nous ayons les connaissances pour pouvoir les ébranler. C’est comme se battre désarmé.

Je préfère encore imaginer que l’univers est né d’un oeuf, que notre planète a été créée à partir d’une motte de boue arrachée des profondeurs de l’eau, que la première femme est tombée du ciel. Que m’importe si la terre est ronde ou plate tant que la poésie est mauvaise herbe.

Que tel arbre soit un chêne, que telle plante soit une ronce, cela m’a toujours semblé arbitraire. Ce n’est pas le nom qui faisait ma connaissance, c’est l’expérience de la chute des feuilles en automne, et celle des griffures des épines sur mes guiboles de mioche. Elle était bien là ma connaissance, pas sur ce foutu tableau noir immobile, sous les récitations peu enflammées du professeur, mais dans mes escapades en forêt, peuplée de peaux-rouges ou de bruits inqiétants.
Je me revois gamin assis sur les bancs de l’école, cours de physique, cours de biologie, préférant aux cris de la craie sur le tableau noir regarder le mouvement lent des nuages. On a toujours le choix : comprendre leur course en avant ou s’en aller avec eux. Il y a bien des chevaux sauvages dans les cieux, comme autant de clowns tristes que d’éléphants égarés, et si je les ai vus, aucune science ne peut me les enlever.

Il y a, je le reconnais, une bonne dose de mauvaise foi dans ce que je raconte. Mais la mauvaise foi est nécessaire à l’imaginaire. Comment pourrait-il survivre sans elle ?

Comment résister à cette croyance aborigène que le monde a été créé par les rêves ? Le mythe transfigure, métamorphose, symbolise, poétise, transcende la réalité. Il la raconte. Il a cette magie de nous paraître si étranger tout en étant si près de nous. Au creux de nous.






PRÉSENTATION

Le projet Ecce Homo revisite les mythologies du monde entier à travers des récits courts et autobiographiques. Du temps des rêves des Aborigènes à Ève, d'Antigone à Santiago, le vieil homme et la mer.

C'est aussi un projet photographique. Suivez le guide...


RÉCITS EN LIGNE ET EN INTÉGRALITÉ

LES HAMADRYADES
HÉLOÏSE
ENHEDUANNA

EXTRAIT

LES HAMADRYADES
La vie comme un arbre

[...] Je suis tout ce que j’ai vécu et tout ce que je n’ai pas vécu., tout ce que je vivrai et tout ce que je ne vivrai pas. Je suis le chemin qu’a pris cette branche là, mais je suis aussi les chemins pris par les autres. Je suis mes choix et mes renoncements, je suis mes mouvements et mes fuites, je suis mes certitudes et plus encore mes doutes, je suis ce que j’ai regardé et ce que j’ai refusé de voir, je suis ce que j’ai écouté et ce que j’ai refusé d’entendre, je suis ce que j’ai dit et ce que j’ai tu, je suis fait d’une conscience et d’un imaginaire, je suis aussi une somme de hasards.
Je cherche autant à maîtriser les choses de la vie qu’à les jouer aux dés. Il y a des jours où je me suis jeté à la flotte, alors qu’elle était glacée, d’autres jours où je m’y suis refusé. Il y a les bons jours et il y a les mauvais, il y a ce jour où l’on ose ce que l’on n’oserait pas le lendemain, il y a ces jours où l’on reste au fond du lit et ceux où l’on traverse le brouillard, pour voir ce qui se trouve au-delà.
Il y a le jour où la foudre s’abat sur l’arbre, et, ce jour-là, une hamadryade s’en va avec l’arbre auquel elle est liée. Comme lui, je suis destiné à mourir et je ne suis pas pressé. Mais il y a fort à parier que je reverrai, le jour de mon dernier billet simple et sans retour, bien plus encore que la vie que j’ai vécue, les vies que j’ai abandonnées. J’espère seulement ne pas avoir de regrets. Nous sommes les vies qu’on abandonne.