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SISYPHE

Roman
Éditeur : Inculte
Année : 2024
© Donatien Leroy



INTRODUCTION

Sisyphe revisite le célèbre mythe en le plongeant dans le monde contemporain. Les jours qui s’enchaînent, se ressemblent, les pensées et les tâches qui se répètent inéluctablement. Cette routine auquel personne n'échappe. Comme un châtiment.
Le style d'écriture adopté tente d'appuyer cette lourde peine.
Pourtant, un événement, auquel nous sommes pour la plupart un jour confrontés, viendra peu à peu fragmenter l'ordre si bien établi.
Sisyphe se déroule sur sept jours consécutifs et peut se lire en boucle, comme si l'on ne pouvait, quoi qu'il arrive, s'extraire du châtiment. On peut donc penser que le roman s'achève là où il commence.
On pourra aussi penser le contraire. Que rien ne sera vraiment comme avant. Qu'on a toujours le choix d'éteindre ou allumer la lumière.





ÉPIGRAPHE

[…] Ils habitaient sous terre au fond des ténébreux réduits des antres, comme les fourmis longues et minces. Ils ne savaient rien, ni de l’hiver ni du printemps fleuri, ni de l’été fructueux. Ils vivaient sans penser, jusqu’au jour où […]

Eschyle, Prometheus enchaîné
Trad. Leconte de Lisle, 1872


PREMIÈRE PAGE

Lundi

le réveil tonne, le même réveil, la même grimace, la même position, le même côté, le même lit, la même odeur, à la même heure, à la bonne heure, l’heure qui tourne, le monde avec, le même monde, le même lever, la jambe droite, puis la jambe gauche, jamais autrement, ça porte malheur, le même malheur, le dos qui coince, le même dos, la même fenêtre, les mêmes volets, le temps qu’il fait, le ciel bleu, le ciel heureux, le même couloir, le même papier peint, les mêmes photographies au mur, la même démarche, les mêmes marches, le même grincement, la même cuisine, la même odeur, le même petit-déjeuner, la même chaise, la même place, « Tu as bien dormi ? », « Oui, et toi ? », la même question, la même réponse, la caresse au chien, toujours de la main gauche, toujours sur le flanc gauche, les deux tartines beurrées qui trempent dans le café, le bruit de la cuillère sur le même bol, le craquement de la biscotte dans la bouche de l’autre, la même bouche, « J’irai faire quelques courses aujourd’hui, tu as besoin de quelque chose ? », « Non rien », non rien, les chaussons qui traînent sur le sol, la même démarche, les mêmes marches, le même grincement, le même couloir, le même rasoir, la même mousse à raser, la même peau, parfois une coupure, un peu de sang qui coule, ce sang, les mêmes poils qui tombent dans le lavabo, le lavabo qu’on nettoie méticuleusement, madame a les poils en horreur, les poils, la même douche, l’eau chaude qui tarde à se mélanger à l’eau froide, l’eau froide, la même grimace, le même savon, le haut du corps avant le bas, puis le visage, le même visage, les poils au fond de la douche, la douche qu’on rince, la même serviette, les deux brosses à dent, le seul dentifrice, la même buée sur le miroir, le même effacement du revers de la main, le même miroir sans étonnement, les cernes à la même place, le caleçon toujours en premier, les chaussettes toujours en second, la gauche puis la droite, la chemise en troisième, le pantalon en quatrième vitesse, le même couloir, la même démarche, les mêmes marches, le même grincement, la chaussure au pied gauche puis la chaussure au pied droit, jamais autrement, ça porte malheur, le même malheur, [...]