ÉCRITURES > POSTE RESTANTE

PREMIÈRE PAGE

Papa,

Nous sommes bien arrivés à Tropéa.
Maman a pleuré dans la voiture. C’était long la route.
Hier, Maman m’a montré une étoile et elle a dit que c’était toi qui nous voyais de là-bas.
Je lui ai dit non. Pas celle-là. Alors Maman a repleuré.
Moi je trouvais que l’étoile ne brillait pas assez et j’en ai choisi une plus jolie qui tremblait comme si elle était encore en vie.
Une rien que pour toi pour te reposer pour toute l’éternité et même un peu plus encore.
Tu me manques, mon Papa.
Je t’aime pour toujours.

Héloïse
(C’est Maman qui a corrigé mes fautes d’orthographe.)

EXTRAIT n°1

Ma chère femme,
Cela faisait une bonne vingtaine d’années que tu ne m’avais pas fait la surprise d’un petit mot doux, écrit à l’encre noire sur fond jaune et collé délicatement sur la porte du frigo. Autant te dire que je l’ai apprécié à sa juste valeur. Et j’ai particulièrement admiré sa concision. Il est vrai que sur un post-it on ne peut s’adonner qu’aux haïkus :

Je te quitte, j’étouffe, ne cherche pas à me joindre

Je laisse sur le frigo ces quelques mots et ces questions qui resteront probablement sans réponse :

Pourquoi penses-tu que je chercherai à te joindre ?
Qui récupérera le frigo ?
Pourquoi les post-it sont-ils jaunes ?

Nous aurions pu au moins nous serrer la main.
Prends soin de toi, ma chère femme. Je t’aimais bien.
- Arsène -

EXTRAIT n°2

Mes chers enfants,
C’est le moment de prendre congé de vous. Je pars pour ce long voyage qui nous est promis au premier jour. Je n’aurais donc pas trouvé d’autre moment ni d’autre moyen pour vous dire que je vous aimais. Mais vous aimais-je vraiment ?
Le notaire souhaitait que je formule mes dernières volontés sur un courrier officiel. J’ai refusé. A-t-on jamais vu un vacancier écrire sur du papier à en-tête ? J’ai le sentiment de n’avoir été qu’un touriste ici-bas.
Je pars pour ce long voyage et je me rêve explorateur. Vous vous en fichez, je n’en doute pas. Et vous pourrez penser que j’étais un mauvais père. Mais vous ne m’enlèverez pas le mérite de vous laisser intacts.
Mes chers enfants, je ne vous lègue rien. Pas le moindre kopeck. Pas le moindre remords.
Je vous envoie les sincères salutations d’un vieux faux-jeton, bienheureux de ne plus avoir à mentir.
Un père

EXTRAIT n°3

Mon amour
Pense à ne jamais éteindre la lumière
Je t’aime tant
Marcel