ÉCRITURES > LES PIEDS DANS LE VIDE, LA TÊTE DANS LES NUAGES

EXTRAIT

Où Ada apprit que, quand la moutarde monte au nez, il est plus que superflu de le moucher.

Ada et le Garde-Fou poursuivaient leur petite bonne femme et leur petit bonhomme de chemin. L’esprit vagabond, ils marchaient d’un bon pas à reculons.
Joie et bonne humeur étaient de rigueur. Ils discutaient d’un peu de tout et de beaucoup de rien. Ce savant mélange faisait de leurs discussions des instants inutiles et agréables. « Ils resteront, pensait Ada, inoubliables ! »
— C’est quand même beaucoup plus drôle de marcher en reculant, dit Ada gaiement. Rien de tel pour aller de l’avant !
Toujours plein de mauvais comme de bon sens, le Garde-Fou répondit :
— C’est faux de faux et c’est vrai de vrai, jeune fille ! Et surtout, je déteste qu’on parle dans mon dos ! Porte-à-faux !!!
Ada éclata de rire. Qu’elle fut devant ou derrière, elle se sentait bien aux côtés du Garde-Fou. Elle avait enfin rencontré une personne qui la comprenait et qui prenait soin d’elle, même d’une drôle de façon.
Mais elle gardait en elle une sourde colère contre son père et son petit frère et, surtout, contre sa mère. « Je me demande pourquoi la colère est sourde quand elle peut faire autant de bruit, » songea si justement Ada.
Brusquement, un éclair illumina le ciel. Puis le tonnerre gronda comme un lion s’échappant d’une cage. Ada sursauta.
— Eh bien, jeune fille, tu en fais du bruit avec ton ventre ! Balle au centre !!! s’exclama le Garde-Fou.