DEVIENS CE QUE TU ES # PHOTOGRAPHIES   
   
 
IDENTIFICATIONS

je ne saurai pas te dire si ce fut une opportunité
ou un choix
c'était une nécessité

quelque chose en moi m'a jeté sur la route
ailleurs et autrement
où et comment


je n'espérais pas de réponse

je voulais le chemin

je voulais marcher courir rouler


me dérouter pour me trouver me rencontrer

au détour d'un virage

au détour d'un lacet


Nietzsche reprenait à chaque seconde

Deviens ce que tu es


tu veux savoir d'où je viens

je vais te raconter


avec toi

je crois savoir où je vais


I

LOGIQUES DE L'ORDINAIRE

Deviens ce que tu hais


je viens d'où sont les gens

les gens de bien qui répondent aux logiques de l'ordinaire

les gens qui se contentent

les gens qui se plaignent

les gens qui ont peur

les gens qui se planquent

les gens qui se lèvent le matin et se couchent le soir

les gens toujours propres

les gens qui dorment sur le côté


je me rasais de près

j'étais diplomate dans mes relations

je n'avais d'égo que ce qu'en faisaient les autres

je me suis même marié

je ne suis pas sûr d'y avoir cru

je ne croyais en rien

je me rasais de près

en évitant de me regarder dans le miroir

je ne me plaignais pas

et je ne me plaisais pas


j'évitais tout désaccord

les gens de bien m'ont apprécié jusque-là

j'étais fidèle à ma femme

et je me forçais à lui faire l'amour

j'étais de gauche comme mes parents

et j'étais une source d'amusement pour mes proches

je passais inaperçu aux yeux des autres

et c'est bien tout ce qui est demandé

je répondais à la demande


je savais l'habit étroit

je savais ma respiration difficile

je savais la circulation de mon sang freinée

je me savais ni heureux ni malheureux

je me laissais vivre

le temps passait

je me contentais

je savais que je ne savais rien

et je me reposais et me confortais dans l'ignorance


j'étais salarié

puis j'étais chômeur

puis j'étais salarié

puis j'étais chômeur

je passais pour un type qui n'avait pas de chance

et je me fondais dans cette masse de gens qui s'en contentent

de ce manque de chance

mon père est mort


mon père est mort

et j'ai bouleversé ma vie

j'ai beau me concentrer sur l'horizon

je ne comprends pas le rapport


mon père est mort

et depuis ce jour j'ai vécu ma vie

j'ai pris la route

je suis devenu colère

plus rien ne pouvait plus me contenter

je me suis alors usé jusqu'à la corde

et la corde a tenu




II

AILLEURS ET AUTREMENT

Sur la route


mon père est mort un matin

les biches ont couru dans la brume

je me suis regardé dans la glace

j'ai alors souri

j'ai alors pris la route

j'ai alors vécu


j'ai tout abandonné

sans explication

il était temps de ne plus en donner

j'ai roulé vite et longtemps

je ne voulais pas être rattrapé

qu'importe si j'ai pris de mauvaises routes

je ne savais pas où aller

mais je ne voulais pas y retourner


j'aurais pu y passer

crever de froid

crever de faim

et pire tomber en panne de cris et de révoltes et d'envie

je ne regardais pas dans le rétroviseur

je ne vérifiais pas l'angle mort

je roulais vite

et j'avançais


j'ai pris des routes dangereuses

et je suis presque usé

mais je choisissais les routes mauvaises et déconseillées

je voulais le chemin

je voulais le trouver

je regardais les horizons défiler

et les nuages se bousculer

je me violentais

je ne m'épargnais rien

je voulais le bout de la route

je voulais le chemin


trouver les limites

les miennes

me confronter à elles

savoir si je leur survivrai

et je savais qu'au-delà d'elles

je serai révélé

mon père est mort

et je ne voulais pas mourir comme lui

il avait renoncé à vivre

je voulais vivre à en crever


je roulais vite

et jamais assez vite

je roulais très vite

et jamais trop vite

les gens ont dit que je fuyais

les gens m'ont même conseillé

reviens

je ne suis jamais revenu

les gens m'ont demandé

que fuis-tu

et je n'ai pas répondu

mais j'aurais pu répondre

je ne fuis rien

je suis en mouvement

ma colère est sourde

je veux savoir qui je suis et devenir qui je suis

je n'ai peur de rien

je n'ai plus peur

je ne fuis rien

je suis un mouvement à défaut d'être devenu quelqu'un

je ne suis pas la mer qui avance et qui recule

je vous la laisse

je suis un mouvement

je suis le désert

un mouvement

et je ne veux pas qu'il cesse

je vous fais peur

mais un jour je serai un homme

l'homme que je suis

humblement




III

TRANSFORMATIONS SILENCIEUSES

Visions


il devait y avoir accident

on me l'avait promis

il y en eut un

je l'ai voulu

je l'ai cherché

je l'ai rencontré

mais ce n'est pas mon corps qui a lâché

ce n'est pas mon esprit qui est devenu fou

ce n'est pas ma volonté qui est rentrée au foyer

je n'ai pas planté ma voiture par excès de vitesse

je n'ai pas trébuché par excès d'ivresse

j'ai souvent chuté en amour mais je me suis toujours relevé

et j'étais parti et ne suis jamais revenu


il devait y avoir accident

on me l'avait promis

il y en eut un

je me suis assis


je me suis assis

là devant un arbre

puis un second

là devant une rivière une première goutte d'eau

puis une seconde

là dans le temps une seconde

puis une seconde

là dans la lumière un après-midi d'hiver

un matin d'été


là et surtout là dans le silence

et j'ai compris

que le silence éprouvait mes limites

bien plus que n'importe quel compteur affolé de n'importe quelle automobile

le bout de la route était là

dans le silence oppressant et réconfortant que j'avais pu trouver

assis là immobile

dans quelques rares endroits de ces quelques bouts du monde


là dans le silence

j'avais inconfort et confort

j'avais angoisse et bien-être

j'avais douceur et violence

j'avais sérénité et ivresse

là dans le silence

tout ce qui était irréconciliable

tout ce qui s'opposait en moi dans des luttes impossibles

s'équilibrait enfin

cohabitait ensemble

et s'épousait

j'en finissais alors avec la colère


je n'avais plus peur

je regardais l'horizon qui était mien

et auquel j'appartenais

je devenais ce que je suis

je devenais un homme

là assis dans le silence

je devenais un homme

humblement un homme




IV

DEVIENS CE QUE TU ES

Au bout du monde


j'étais sur le chemin

j'étais au bout du monde

j'étais devenu autre

ailleurs et autrement

je savais où

je savais comment

j'étais devenu moi


il me restait à vivre

encore

vivre encore


je t'ai alors rencontrée

tu m'as souri

je t'ai souri

je t'ai emmenée voir ces bouts du monde

et tu leur as souri

je t'ai regardée

et je me suis dit que c'était toi

qui me manquait depuis toujours


j'ai pensé qu'il y avait un vide en chacun de nous

j'ai pensé qu'on ne pouvait le remplir

je m'étais fait à l'idée


j'ai compris que ce serait toi qui le ferait

le remplir

et il t'a suffi d'un regard

il t'a suffi d'un sourire


d'autres avant toi avaient essayé

toutes avaient renoncé

toi il t'a suffi de t'asseoir de me regarder de me sourire


j'étais devenu un homme sans toi

avec une part vide et sans fond

et je l'avais abandonnée bon gré mal gré

je n'avais pas su quoi en faire


j'étais un homme entier reconstitué

un type presque prêt à être heureux

et c'est dur de se faire à cette idée


et je viens du monde des autres

et je suis parti me dérouter pour me rencontrer


je sais qui je suis

et avec toi

et parce que c'est toi

et parce que tu es là

je crois savoir où je vais


je te tiens la main et ne veux plus la lâcher

depuis toujours

tu m'as manqué



 
   
I
LOGIQUES DE L’ORDINAIRE
Deviens ce que tu hais
II
AILLEURS ET AUTREMENT
Sur la route
III
TRANSFORMATIONS SILENCIEUSES
Visions
IV
DEVIENS CE QUE TU ES
Au bout du monde
 
   
1 Id# du goulag
2 Avant l’heure
3 La Main de Dieu
4 Zone érogène
5 Id# des troubles
1 Id# du cri
2 Id# de la rupture
3 Id# du mouvement
4 Id# de la révolte
5 Id# de soi
1 Id# de l’arbre
2 Id# de la rivière
3 Id# du temps
4 Id# de la lumière
5 Id# du silence
1 Id# du bout du monde
2 Id# d’une femme
3 Id# de la vie
(et de quelques secondes
précieuses...)
 
   
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